lundi 21 janvier 2013

Spectacle, voix enfumées

Timbre qui tonne et qui s'étire
Voix tonique et érotique
L'ambiance qui se sature de vagues électriques...

Reggae, man. 

Les jambes se matérialisent avec entrain.
Les corps découvrent des espaces secrets.
Des vagues culbutent et s'attrapent dans l'air on s'ébroue en mécaniques fluides.

Reggae, man. 

La très grande blonde roule dans l'air, fauve armée d'elle-même. 

Elle ondoie mais bouge drôlement son popotin ! Elle a l'air d'un énorme scarabée sur la cocaïne.

Elle domine l'espace son cul plein d'âme son tracé est irrésistible appropriation. 

Ses motions lèchent et éraflent les regards, des étoiles sortent de sous ses aisselles et sous ses pieds fièrement fous.

Reggae, man. People, people. 

La musique comme une pléthore d'étoiles qui crient.

La violence chaleureuse dans la voix du rasta elle endigue les silences des yeux saouls.

Son timbre fort et haut est un été râpeux qui invite chaudement, c'est un venin passionnel.

Reggae, oh man, oh man. People, people... 

Les jambes se délient, en famine de yeux qui les caressent, nouvellement pivotent en attirant spectacle de chair lisse.

Les blondes et les rousses et les autres blondes se distendent en motions ondoyantes multiples, et, en efflorescence studieuse, c'est glissements de hanches et rebonds de seins, sexualité sacralisée.

Ces ressacs d'êtres féminins font rejaillir les courbes en fécondité plurielle, gonfler les espaces comme des bulles.

Oh man... People... people... 

D'autres femmes s'amènent. Chez elles, les bras s'envolent comme des plumes, caressent l'absence de gravité, les mains discutent hypnotiquement.

Chacune trouve son axe de contemplation de la musique.

Chacune libère le filon du dégourdissement originel où le corps a un autre corps, qui est l'aura qu'on habite.

Oh pretty women... I love how you dance...

Un rastafari remue ses vivantes tresses, tels des acrobates soûls.

Il s'extasie d'entendre la musique qui coulait salée dans ses veines, fait un breakdance de bébé, certain de lui.

À nouveau debout, il bouge comme une flamme sans plan précis mais si bien ! il sourit les mains engluées en une prière.

Reggae, reggae, people, oh people...


4 novembre 2011

10 commentaires:

  1. J'aime ces récits, quand on peut imaginer le narrateur sur son tabouret, qui observe candidement le monde.

    À l'époque du Café Des Artistes, j'écrivais beaucoup de ce genre de texte et je parlais davantage des dames. Tu me fais prendre conscience que ma plume a muté, à mon insu.

    Ton poème dépeint la chaleur rouge-vert-jaune du flot de musique rasta, avec précision et légèreté. Ça transpire la conscience reggae.

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  2. C'que t'es bourré de talents, l'orfèvre! Merci pour cet écrit si capiteux entre polar et opéra-reggae. A chaque reflet sur le zinc, il y a de l'inattendu, une surprise, des dreadlocks d'apesanteurs remotivant les mots, les déplaçant de leurs contextes momifiants habituels pour les libérer dans leurs nouvelles sarabandes; j'aime aussi tes slalomants crescendos qui s'accouplent à tant de didascalies picturales. Chokrane, l'orfèvre; Bob Marley te transmet un grand bonjour, man, et te remercie pour cet hommage qui pourrait faire un merveilleux film!

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  3. chaud show cette écriture textuelle, l'ami !

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  4. @Michael : Tu m'as bien cerné, — le poète sur son tabouret, héhé. Je trouve ça beau, une foule, surtout une foule de femmes, et encore plus une foule de femmes qui dansent. C'est entre éso et érotique. Il y a une forme de puissance exquise dans le mouvement d'un déhanchement que je peine à traduire en mots. Baudelaire le résume mieux que mes fréquentes tentatives vaines, il écrivait, dans La Fanfarlo : « Il aimait un corps humain comme une harmonie matérielle, comme une belle architecture, plus le mouvement » ; merci du reste pour tes commentaires — bien content de pouvoir transmettre l'émotion de ce spectacle.

    @Mokhtar C'est toi, qui es bourré de talent ! Avec un commentaire comme ça ! C'est en soi un poème. Peace, man !

    @Laure K. Tu sais quoi, j'ai réalisé une chose ! L'écriture, c'est une espèce d'album souvenir organique. Si je n'avais pas écrit au sujet de cette soirée, elle se serait dissipée dans le trou de néant qu'est ma mémoire. Grâce à quelques fragments de ce texte uniquement, cette soirée est encore là...

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  5. Comment être en dehors, en dedans. Joli pour reprendre tes mots. Joli. (De la misère avec mes mots ce matin) ;(

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  6. Ton portrait du rastafari dansant librement, exécutant un breakdance sans inhibition, est plutôt fort et vivant. Ce texte m’a touché parce que c’est un copier/coller de ce que je vivais au Café : l’ambiance d’amour absolu et le son Engine of Peace (un band jazz-reggae du feu de Dieu); mes conversations avec Dano le lumineux, le chanteur; ces veillés sur la terrasse, jusqu’au soleil levant, à s’élever de notre petitesse à la fessée du jour.

    Il y a grande puissance contenue dans l’art — des décharges perceptibles dans le tangible — dont il faut inonder le monde. C’est non seulement un baume à la guerre, mais un élixir de paix.

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  7. Well, I guess I would have liked to be at this cafe with you ! Mince, zut zut, il faudrait que je retrouve le nom du groupe. Ça serait lui faire honneur.

    L'art. C'est vraiment le chemin que je choisis. Indéniablement. Je vais choisir un autre chemin, en parallèle, plus modeste. Je t'en reparlerai.

    Pourquoi ne pas aller à l'Escalier, un de ces quatre ? J'ai le souvenir qu'on avait tenté d'y aller — ça fermait, on avait dû quitter.

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  8. C'est tellement juste ce que tu dis à propos de l'écriture à Laure... J'ai eu le même réflexe que toi l'autre soir en rentrant d'une soirée au Ducs de Lombards, c'est un club de jazz dans Paris. j'ai eu envie de suite coucher sur le papier l'ambiance feutrée, l'homogénéité du public, la particulière et vraiment attachante présence de René Utreger, le pianiste en spectacle ce soir là avec ses deux vieux amis contrebassiste et batteur. Une soirée chaleureuse et conviviale ponctuée de distractions dues à une jeune femme complètement éperdue qui au milieu des morceaux clamait sa flamme aux musiciens et à leur musique, se déhanchant tout en faisant voler sa crinière en basculant la tête d'avant en arrière: " Vas-y le contrebassiste! Tu es beau René, je t'aime toi et ta batterie". Dans L'ambiance ouaté que distillait le trio, cela faisait un peu tâche mais très vite les trois compères se sont habitués au élucubrations de la jeune femme et en ont fait une sorte de tempo! Au fond, c'était tellement bon enfant, elle était dans son monde. Cette tolérance a fini par donner un caractère encore plus complice entre les musiciens et nous, et ils ont eu du mal à cesser de jouer... Quand j'ai relu ce que j'avais écrit en sortant le soir même, j'ai tout de suite retrouvé tout comme tu le dis de toi l'ambiance et j'entendais la musique et les cris de la fille., c'était comme si je revivais cette soirée une deuxième fois!

    Mais un degré au-desus, en plus de nous permettre de revivre ce qu'on a vécu, l'écriture nous donne le pouvoir de faire vivre à d'autres nos soirées, nos délires et nos ressentis et ça c'est quand même ultrasuperchouette, n'est-ce-pas?

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  9. D'ailleurs, je trouve que tu nous relates très bien cette soirée ! C'est un peu comme si nous y étions, nous aussi !

    Je suis très nostalgique, tu sais. Trop, sans doute. J'ai compris une chose, un jour. Mettre les choses sur papier, ça me permet d'être moins épris de nostalgie. Car je peux partager avec autrui les merveilles d'autrefois. Quel est le rapport ? Ça ne me permet pas de revivre réellement ce que j'ai naguère adoré, néanmoins, le fait de le partager, c'est rendre hommage au passé ; ainsi couvrir d'éloges, ranimer avec passion des braises avec le grand souffle de l'imaginaire, c'est peut-être la meilleure stratégie pour me rapprocher de ce qui s'en est allé ; de plus, persuader les autres que ce qu'on a vécu était merveilleux, c'est se désaliéner : autrui étant également passionné par l'expérience qu'on relate, ça prouve qu'on n'est pas vainement nostalgique, après tout.

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