vendredi 1 janvier 2021

Adieu, mon gars, adieu, mon vieux

Mistral. Tu étais le plus grand, ici. Sans contredit. Tu étais le Louis-Ferdinand Céline québécois. On n'a pas su t'estimer pour ce que tu étais, pour ce que tu as produit. Mais en as-tu laissé la chance aux gens? Le Louis-Ferdinand Céline québécois. C'est pas qu'une approximation, qu'une comparaison flatteuse. On ne dit pas de choses mielleuses aux trépassés. Tu l'étais. Mais c'est d'ailleurs ça, le problème. Tu avais un grand caractère qui croyait pouvoir tout surplomber. Et tu étais destructeur. Et tu as fait mal. Je le dis, je l'écris, mais c'est presque une abstraction. (J'avais une relation particulière à ta personne et à ton œuvre, du fait que mon grand frère m'avait prêté ton premier roman quand j'avais quatorze ou quinze ans — c'est longtemps après que j'apprenais, pour tes déchéances. Je distinguais le génie avant l'homme, chez toi.) Par instinct, je me suis toujours tenu loin de toi. De peur... de peur de la peur, justement. C'était une peur fondée, rationnelle.

Je pense que Dan Bigras, récemment, à Tout le monde en parle, a bien décrit, avec justesse, avec nuance, qui tu étais. Un grand écrivain. Doublé d'un autosaboteur et d'un homme tourmenté et tourmentant par la violence... Même Bukowski doit t'avoir attrapé par les épaules, au paradis, pour t'expliquer quelques affaires.

Lorsque tu n'étais pas sous l'emprise de substances, tu savais parfois être un franc ami et un être particulièrement sensible. On s'entend, sensible, c'est le prérequis, pour être poète. Mais on s'entend également que tu as peut-être pris Baudelaire un peu trop au pied de la lettre. Je regrette que tu l'aies si mal gérée, cette sensibilité. N'est-ce pas dans Vamp que tu as écrit que tu appartenais à cette race de gens refoulant leur sensibilité comme d'autres piétinent le raisin?

La grande tour où j'estimais, en toute logique, que tu habitais me paraît tellement vide maintenant. Lorsque je déambulais dans Montréal, j'aimais modifier mon itinéraire pour passer près de celle-ci. À présent, quand je la vois, au loin, je n'aperçois qu'une géante construction sans âme.

J'avais écrit ça à ton sujet. Ça fait si longtemps! Il y a huit ans. À l'improviste, sans vérifier, j'aurais dit deux, trois, quatre ans maximum.

Vent vital

Pâle adolescent qui ne savait distinguer
Son appétit pour le ciel, l'ambition macabre
Au cœur, j'eus envie - d'un coup blanc! - de dézinguer
Ma face: être un lent bouquet de perles cinabre...

Las d'écarquiller mes yeux comme un déglingué,
Mais le cœur, pas assez, d'avoir des mains-dolabres
Et de ne pas savoir quel destin défricher,
J'enfourchai un livre mauve, un vrai poisson-sabre.

J'étais tombé sur le plus grand livre, un bouquin
Rotant sa verve, spume denchée de requin,
Le plus extatique voyage crépitant!

«La poésie sera en avant», clama R.
Le Grand M., par-delà le réel haletant,
Des mains tisse un parler sensoriel, crucial air...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire